L’oreille gauche : le refuge préféré de la bonne humeur, des éclats de rire, des mélodies douces et des bonnes nouvelles, selon une nouvelle étude. M’est avis qu’elle est devenue la cour préférée du bonheur !
Imaginez un instant notre cerveau en équilibriste, jonglant d’une oreille à l’autre, cachant dans son veston des énigmes qui défient même le plus fin des Sherlock Holmes en blouse blanche. Eh bien, c’est ce que semblent suggérer les dernières trouvailles de notre panel de détectives cérébraux, qui mettent en lumière cette délicieuse préférence pour l’oreille gauche. C’est un groupe de fines lames de la neurologie suisse qui ont eu le nez creux et déniché ce singulier parti pris pour les séductions sonores suaves comme un rire contagieux ou une voix doucereuse. En somme, le vrai « côté doux » de notre système auditif.
Cette préférence inhabituelle ressemblerait vaguement à un concerto joué sous le toit céleste de notre cerveau, d’après le prélude de leurs résultats publiés dans le journal Frontiers in Neuroscience. « Grâce à nos recherches, nous savons maintenant que les éclats sonores humains suscitant des émotions positives comme un merveilleux concerto sous les étoiles semblent initier une joyeuse danse de neurones dans le cortex auditif, et ce, particulièrement quand ils tombent délicatement du côté gauche de l’auditeur. Précisons que cette danse n’a pas lieu lorsqu’ils se glissent par la ligne de front ou qu’ils viennent d’un pas léger sur la droite! », explique Sandra da Costa, l’auteure principale de l’étude et chercheuse à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse.
Du murmure érotique au tintamarre d’une bombe
Posons la scène. 13 volontaires courageux, hommes et femmes d’une vingtaine d’années, exposés à un florilège de sons diffusés à gauche, au centre et à droite, tandis que l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), décortique avec précision chaque infime modification de flux sanguin dans leurs cervelles zélées. Aucun changement de battement n’a pu être décelé lorsque les participants étaient confrontés à un son émotionnellement neutre ou négatif, tel qu’une voyelle énoncée hors contexte, ou un hurlement d’effroi, ni même lorsqu’ils étaient aux prises avec des sons non humains assortis de diverses teintes d’émotion comme le claquement de directed applause, le souffle caressant du vent ou le minage infernal d’une bombe à retardement.
En revanche, quand les rires cristallins, les confidences voluptueuses et les sons érotiques faisaient leur entrée, le rythme s’accélérait joyeusement dès lors que ces bals masqués sonores provenaient de gauche. En d’autres termes, les centres du cortex cérébral qui jouent un rôle capital dans le traitement précoce de la valse des sons semblaient danser de façon plus endiablée. C’est précisément ici que notre cerveau, chef d’orchestre avisé, trie l’ivresse des sens et décerne le prix de la préférence aux sons humains positifs. Pourquoi telle est la question que l’on se pose en boucle derrière nos lunettes de laboratoire. « Il reste à découvrir quand et comment le cortex auditif primaire affine son goût pour les vocalisations humaines positives provenant de la gauche lors du développement humain et si c’est un trait exclusivement humain« , note la professeure Stephanie Clarke, de l’Hôpital universitaire de Lausanne.
Référons-nous aux études d’antan pour approfondir le mystère. Nombreuses sont celles qui ont démontré que, pour la plupart d’entre nous, les sons proches ou se dirigeant vers notre petite personne sont perçus comme étant plus déplaisants et intenses que ceux qui battent en retraite. Ce pourrait bien être un écho lointain de notre passé préhistorique où nos ancêtres avaient à faire face à des prédateurs redoutables et résonnaient avec soulagement au son d’une menace s’éloignant plutôt que s’approchant par derrière. Quant à l’amour démesuré de notre oreille gauche pour certaines mélodies, nos chercheurs comptent passer ses préférences au peigne fin afin de déterminer si elles sont liées à d’autres particularités, comme la prédominance de la main droite ou gauche pour écrire, la disposition asymétrique de nos organes internes, ou une raison encore insoupçonnée.